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  Yvonne

Extraits du "Grand voyage d'un mouton blanc"

 

C’est une caresse qui m’a éveillé. Une caresse de femme, douce, parfumée. Ma joue a senti le bout des doigts chauds qui l’effleuraient. Mon visage tout entier s’est blotti au creux de cette main, celle de ma mère. Je crois que c’est là mon premier souvenir. 

[...]

Ma mère, elle, a un corsage épais de jersey à rayures, peut-être marine bordeaux et blanc, à manches courtes, puis un béret bleu marine sur ses cheveux noir corbeau. Elle sourit, la bouche entr'ouverte au pâle soleil, à la joie d'être là, un dimanche, avec Georges et Philippe, et ces fleurs. Il est bon le sourire de mon père. On le sent paisible et comblé.

 

                                                

 

[...]

Maman prend le chemin de son travail. Ce n’est plus le beau magasin aux lumières et à la douce musique où toute pimpante elle vendait des appareils de photo : sa grande passion ! Non, mais une petite épicerie de quartier où ses belles mains s’abîmaient dans le froid, à peser des salsifis, des rutabagas et des topinambours, ces beaux légumes de guerre !

 

 [...]

J’entends la voix de maman sous les tonnelles de roses. Ses mots.
-         Ainsi ma chère Yvonne, vous avez connu Van Dongen et Foujita ? Et vous avez été chez les Drouant !
-         Ah ! le Honfleur des années 20 !
-         Vous souvenez-vous de Geo Bourgeois, le critique ?
-         Et Kiki, dit un homme, était-elle toxicomane ?

 

Souvenir raconté par Yvonne à son fils :

C’est dans cette pharmacie que j’appris la photo. J’ai bien failli y mourir. Monsieur de la Picquerie, le pharmacien m’avait conduit à la Visitation du Mans. Je crus y sentir des roses. Pourtant il n’y en avait aucune. Le soir même je tombais dans un profond coma. Il pria Thérèse Martin – tu sais, la sainte du Carmel – et lui offrit sa vie en échange de la mienne. Dans la nuit, il mourut, et moi … j’allais mieux. Il était vieux, c’est vrai. Il avait connu Thérèse, tout enfant dans un couvent de franciscaines …

 

            

 

 

Lien vers un poème sombre de Philippe dédié à Yvonne : Ma Mère