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 TABLEAUX VIVANTS

à la manière de peintres

à Delvaux 


La Source 2004

C'est un très long patio qu’abritent des colonnades. Le sol en est garni d'un épais tapis rouge. Au dehors on peut voir une verdure orientale. A une extrémité une femme est assise en pose de sultane.

Elle attend peu longtemps, et déjà tout au fond, une forme agenouillée semble repter vers elle, car elle est à genoux et progresse lentement. Au rythme de sa venue sa nudité s'affirme, il s'agit d'une jeune fille, sa bien longue chevelure caresse le tapis, ainsi que ses genoux glissant l'un après l'autre. Ses mains sont en retrait, posées donc bien à plat contre ses omoplates.

La voici maintenant aux pieds de celle qui trône et s'accoude sur son siège, dans une pose rêveuse. Bien qu'elle n'ait rien dit, l'autre met le front à terre, puis se cambre à l'extrême. Sa croupe ramassée se dresse, en quelque sorte, ainsi la femme assise n'aperçoit que ses reins, ses deux fesses levées, et l'immense chevelure qui masque son visage et ruisselle sur le sol.

C'est juste à cet instant qu'une autre, tout comme elle, apparait dans le fond. Suivant le même chemin, dans la même posture, elle chemine jusqu'à venir en côte à côte. Enfin, une troisième parvient à leur niveau. Certes, la femme assise aura du remarquer que si leurs positions demeurent à l'identique, les teintes des cheveux sont toutes trois différentes.

Est-ce pour le savoir qu'un homme maigrichon, et le nez aquilin chaussé de grosses lunettes, et tenant de surcroît une loupe à la main, surgit et s'approche d'elles? Lui seul peut observer l'anatomie cachée, et les replis des chairs en quête de quelque indice révélant un détail qui aurait raison d'être. Allant de l'une à l'autre il inspecte en silence. Mais pendant tout ce temps elles se tiennent ployées, palpitantes, soumises. Il n'est pas évident qu'elles demeurent immobiles.

Seul l'homme peut percevoir un lent frémissement de leurs membres contraints. Et c'est sans doute cela qui le fascine autant, cette belle contraction des muscles en suspens. La forme développée de l'appendice nasal de ce petit bonhomme a fait de lui un nez comme on dit en parfums, seraient-ce les senteurs de leurs exhalaisons, leurs effluves, qu'il traque?

Mais pourquoi cette loupe ? On peut alors penser que brune blonde et rousse ont une texture dermique différente, comparable. Une tache de rousseur ou un grain de beauté peut être intéressant pour mieux se présenter à l'altière sultane.

Celle ci frappe dans ses mains et les filles virevoltent repartant derechef d'où elles sont venues. En somme on ne sait pas le but de leur visite ni rien des manigances de cet étrange bonhomme. Est-ce un rite de cour, un usage princier, ou bien tout simplement une lubie de voyeurs...