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La Vigne


 

 

Un des derniers textes de Philippe,
écrit en 2005, dans le recueil
"Adieu la vie ! Tu m'écriras ?"
aux éditions Encres vives
 (décembre 2005 - coll. Encres Blanches) 


 

 
Voilà bien un arbuste qui n'a pas droit aux fleurs. On en connaît le fruit qui même en pourrissant sous l'action si féconde de ce champignon noble qu'on nomme Botrytis, n'émane aucune odeur. On peut enfouir sa tête dans ses feuilles et à toutes saisons, aucune senteur ne vient à vos narines alors.
Quand la grappe encore verte énerve les pupilles, quand elle se fait d'or, palpitante au soleil, lors qu'Octobre la rend brune et qu'elle éclate d'espoir, nulle senteur sous le cep.

Non, ce n'est pas ainsi qu'on peut humer Vouvray, une terre magique, gauloise des premiers jours, du nom de Vobridium. Toute l'âme de la France est nichée en son cœur.

Dès que vous quittez Tours, gardez le nez dehors. Déjà les façades d'ocre de Sainte Radegonde fleurent quelque nouveauté. La route de levée chargée d'eau du fleuve blond prend sous les saules blancs de subtiles bouffées d'un air léger de gloire.  Rochecorbon crépite de sa sourde lanterne. Moncontour se dresse telle la salamandre du roi François sortie vive de son feu.

Vous humez déjà là quelques fragrance étrange. Vouvray, le nom sonne juste et vrai, révélation qui va vous être faite. Montez la côte de la Bonne Dame et la route de Monnaie. Là c'est la Fosse Pellier, un océan de ceps.

Carré d'or
Fosse Pelier   Humez-vous ce parfum aux effluves de mer ? Ça sent le sable. D'autres lieux aussi forts en odeur de terre, mais ma mère est née là et j'en suis imprégné.

Allez dessus la chaintre jusqu'à la prochaine rotte qui va sur le côteau. Vous verrez les jenues de bois sur le tuffeau. Derrière dort le pineau. Fermez les yeux alors ...
La senteur monte en vous portée à bout de bras par des milliers d'hotteux allant vers le fouloir. Ce que vous respirez c'est la terre, son sang écoulé de l'enchême dessous la crapaudine et ses moutons posés.

Vigne, mère de l'humanité, je puis sentir ton parfum dans l'église où l'on chantait jadis pour la saint-Vincent. Il réveille encore des souvenirs d'antan sous le chêne que Sully a dû planter un jour. "Les mamelles de la France" comme vous disiez jadis, suintent de bernache , et resjouissent les cuers !

Non, elle n'a pas de fleurs. Pourtant celles des lys que je lui sens si proche, possèdent dans son symbole, l'argument que souvent les sculpteurs ont caché de sa feuille !

La source - 2005


 

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